Piloter son entreprise par le bilan

23 août, 2021

Peut-être après le vent de liberté lié à la pause estivale avez-vous décidé de devenir votre propre patron ? De créer une activité qui vous garantisse à la fois un revenu et de l’autonomie ? Vous caressez une ou plusieurs idées, mûrissez un projet, songez au financement ? Mais comment faire pour réussir à coup sûr ?

La question est complexe et nécessite de définir des ambitions réalistes en fonction du montant d’investissement et de votre expérience, mais également du type de projet que vous avez choisi.

ArgentChoisir son projet dans le commerce retail, l’industrie ou le digital ?

Contrairement à ce que l’on peut généralement entendre les principes liés à la création d’entreprise sont les mêmes pour un projet digital et un projet physique. Après tout, les principes fondamentaux de la vente et du marketing restent les mêmes : zone de chalandise, vitrine, catalogue, points de contacts, gestion de la relation client etc. De même les statuts, les règles fiscales et sociales varient peu. Enfin bilan et compte de résultat obéissent aux mêmes règles… Mais n’auront pas la même logique. Car ce qui change énormément c’est le plan de financement et partant, le bilan prévisionnel que vous allez viser. En effet la capacité d’endettement d’une entreprise dépend notamment de son patrimoine, de la valeur de ses actifs et bien entendu de la valeur qu’elle tire de son exploitation.

Si vous choisissez d’opter pour un point de vente physique par exemple la clé de la réussite résidera dans un projet adapté à une zone de chalandise bien choisie et dynamique. En général les règles liées au commerce physique telles que le pas de porte ou bien le loyer renchérissent le prix des « meilleures affaires ». Dans ce cas, le plan de financement devra tenir compte de certaines spécificités (charges fixes en général plus élevées, marges moindres, gestion des stocks), mais également réfléchir à l’achat des murs. Une option intéressante pour garantir la réussite de ce type de projet.

Comment évaluer la valeur des actifs d’une entreprise ?

La question du bilan est à ce titre clé, en particulier celle de savoir si vous achetez les murs de votre entreprise. Qu’il s’agisse d’une micro crèche, d’un local, d’un restaurant, la logique reste la même. Il s’agit d’une stratégie qui permet de profiter de la stabilité et de la valorisation progressive dans le temps de l’immobilier. Cela améliorera mécaniquement le bilan et donnera confiance à des investisseurs, créanciers, plus prompts à accorder des crédits, lorsqu’ils sont garantis par des actifs matériels plutôt qu’immatériels. La valeur est une chose, la confiance une autre. Un créancier songera qu’en cas de défaut de paiement, faillite ou difficultés passagères, des actifs matériels pourront être plus liquides et mieux valorisés (plus-value) que la vente d’un actif immatériel. Une plateforme est une actif immatériel. Tout comme une marque. Sa valeur, sa solidité augmentera avec le temps et les investissements réguliers. Son potentiel commercial s'améliorera avec le référencement. Nous sommes en effet sur des investissements dynamiques pour lesquels les investisseurs manquent de connaissances et qui n'ont pas les mêmes caractéristiques ni la même liquidité qu’une affaire dans la restauration par exemple. Gérer son patrimoine en tant qu'entrepreneur actif

D’un autre côté, l’immobilier repose sur sa propre dynamique, complémentaire du business. Songez à la valorisation d’un immeuble construit en 1900. Une fois la construction achevée la plus-value est liée à un effet de rareté, décorrélée de tout effet de productivité par exemple. Il s’agit de la courbe de valorisation immobilière que l’on constate sur la longue durée et qui est particulièrement forte dans les agglomérations. Les coûts sont liés à l’entretien et largement planifiables, alors qu’une machine industrielle qui aurait été achetée à la même époque non seulement n’existe plus, mais a été remplacé des dizaines voire des centaines de fois - à considérer d’ailleurs l’activité existe toujours. Une machine s'use plus qu'un immeuble. Et la durée d'amortissement différenciée n'y fait rien.

Tout le principe lié à l’amortissement est d’ailleurs fondé sur cette notion d’usure. Notion que défie l’immobilier puisque sa valeur résiduelle réelle peut-être supérieure à sa valeur d’achat

Au royaume des actifs, tout ne se vaut pas !

Est-ce à dire que les commerces physiques sont plus sûrs ? En tous les cas qu’adosser son projet d’entreprise à un levier immobilier peut s’avérer une stratégie gagnante, si l’on choisit bien sa zone d’achat. Et permettre une vision plus dynamique en termes d'endettement.

En revanche le niveau de marge et le rapport coût-investissement versus rentabilité est imbattable dans le digital. Les gains de productivité y sont largement supérieurs. Les marges de manœuvres en termes d’organisation, optimisation, gestion, mais aussi externalisation sont supérieurs. En outre il est plus facile de gérer plusieurs projets digitaux à la fois. Un projet digital peut-être une activité complémentaire ce qui est plus difficile dans le monde physique. L’automatisation ne cesse de croitre et le montant des investissements initiaux de diminuer. Les charges de gestion également ne cessent de diminuer. Cela signifie que pour un montant d'investissement égal vous créerez une plus belle entreprise dans le digital que dans le monde physique.

C’est en somme le pari fait par Amazon qui a choisi d’opter pour une entreprise digitale avant d’investir rapidement dans les hypers, sa nouvelle stratégie. Un changement de cap rapide puisqu’elle était citée la semaine dernière comme plus grande que Walmart, géant bien connu de la distribution. Dans ce contexte, il est difficile de dire si la valeur des actifs est un placement en vue de sécuriser l’avenir de l’entreprise, en plus d’une décision business. Mais c’est possible.

Le risque dans l’univers non digital est donc plus fort au démarrage. Mais si les emplacements sont judicieusement choisis, ils vous permettront au-delà de l’activité et de jouer sur la valorisation des actifs. Une stratégie qui peut s’avérer payante à terme même avec une activité peu ou pas rentable.

A contrario votre risque initial est bien plus faible dans le digital si vous avez le savoir-faire. Vous pouvez même vous passer de prêt bancaire et d’investisseur. Toutefois la logique ressemblera davantage à celle de l’industrie avec des investissements constants pour maintenir la valeur de l’appareil de production. Et avec une dynamique exponentielle liée à la visibilité (référencement ou SEO) qui accroitra la valeur. En somme dans le digital, il y a des vents contraires. D’un côté la valeur de la plateforme qui implique souvent des investissements réguliers pour lutter contre l’usure (concurrence, UX etc.), de l’autre la qualité de la conception initiale difficile à évaluer pour des financiers éloignés de cet univers et enfin le référencement qui s’améliore mécaniquement au fur et à mesure du temps si l’expérience utilisateur est satisfaisante (et que la conception a été correctement pensée). Ainsi la finance n’a pas encore atteint l’âge de la maturité dans l’évaluation des actifs immatériels issus du monde digital et partant reste focalisée sur le potentiel d’exploitation… 

Proposition : créer un poinçon digital comme pour les producteurs de métaux précieux, qui permettrait d'évaluer la qualité de conception d'une plateforme à coup sûr. Et donc de rendre les actifs plus liquides.

Matthieu Mouillon

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Matthieu Mouillon Entrepreneur, j'ai travaillé 10 années dans le conseil en stratégie, RH et management. J'ai ensuite créé Human Station, pionnier des centres de formation digitaux. J'ai écrit cet article pour les entrepreneurs qui regardent le compte d'exploitation sans penser au bilan